Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social, et de la condition des personnes handicapées

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Une femme devant le Parlement dans le froid.
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Déclaration préliminaire – Lana Payne, présidente nationale d’Unifor

Jeudi 21 mars 2024, 8 h 15 à 10 h 15.

Mesdames et messieurs les membres du Comité, je suis ici devant vous aujourd'hui en tant que présidente d’Unifor, un syndicat qui représente 315 000 travailleuses et travailleurs dans l’ensemble du Canada, dont près de 70 000 dans le secteur privé sous réglementation fédérale, notamment le transport aérien, routier, ferroviaire et maritime ainsi que les télécommunications et les médias. 

Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler du projet de loi C-58 et du besoin urgent d’une législation anti-briseurs de grève au Canada. Je remercie sincèrement les députées et députés de tous les partis à la Chambre des communes qui ont voté à l’unanimité en faveur de cette législation en deuxième lecture. Nous devons maintenant livrer la marchandise.

Les relations de travail pacifiques au Canada - et dans le monde entier d’ailleurs - reposent sur les principes de la négociation collective libre et équitable. Ces principes ont permis d’améliorer les conditions de travail et de vie des travailleuses et travailleurs canadiens au fil des décennies.

Aucun pays n’est parvenu à obtenir un progrès et une prospérité partagés pour les travailleuses et travailleurs sans des syndicats forts et des lois sur la négociation collective rigoureuses. Notre capacité à négocier dans un cadre véritablement respectueux de la voix et du pouvoir des travailleuses et des travailleurs est historiquement le seul moyen de rehausser les normes pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non.

Comme bien d’autres syndicats, Unifor négocie pratiquement une convention collective par jour au Canada. Dans la majorité des cas, les négociations se concluent sans qu’il y ait de conflit.

En effet, même dans les rares cas de conflits de travail, les employeurs sont nombreux à s’engager respectueusement dans le processus, notamment en refusant d’avoir recours à des briseurs de grève. Évidemment, les deux parties mènent d’âpres négociations - cela fait partie du processus.

Toutefois, il y a encore certains employeurs qui refusent de respecter les droits des travailleuses et des travailleurs canadiens et qui se comportent comme si ceux-ci n’avaient pas de droits constitutionnels. C’est ce qui justifie l’importance d’adopter le projet de loi C-58.

Je voudrais vous présenter un exemple pertinent d’un employeur dont l’activité relève principalement de la compétence fédérale, mais qui concerne un groupe de travailleuses et de travailleurs titulaires d’une accréditation provinciale. 

Le 27 février, au premier jour d’une grève parfaitement légale, Autoport, une filiale de la compagnie très rentable CN Rail, a fait venir des travailleuses et des travailleurs de remplacement – des briseurs de grève – qui ont franchi la ligne de piquetage et ainsi bafoué de façon agressive le droit de grève fondamental de 239 membres d’Unifor en Nouvelle-Écosse. Les briseurs de grève sont toujours sur les lieux de travail et font le travail de nos membres, y compris Heather Wildsmith, travailleuse de 71 ans à l’emploi d’Autoport depuis 2015, mais aussi mère et grand-mère de 5 adorables petits-enfants. Elle travaille fort et retire beaucoup de fierté du travail qu’elle accomplit.

Pendant qu’il était à la table de négociation avec nous ainsi qu’avec un conciliateur fédéral, le CN embauchait et formait des briseurs de grève, ce qui ne correspond pas à une négociation collective libre et équitable.

Le CN est également membre de l’Association des employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF), laquelle a vigoureusement et activement fait pression non seulement contre cette législation, mais aussi contre le droit de grève des travailleuses et des travailleurs au Canada. Je m’en tiendrai à dire que leurs recommandations videraient de tout sens cette législation et, en fait, les droits des travailleuses et des travailleurs en matière de négociation collective. 

Aussi, je tiens à être très claire sur ce point. Le parcours proposé par l’ETCOF mène vers le chaos. Il forcera les travailleuses et travailleurs, ainsi que leurs syndicats à avoir recours à des méthodes plus directes pour faire respecter nos droits collectifs, ce qui entraînerait des difficultés majeures aussi bien que pour les employeurs que pour les travailleuses et travailleurs ainsi que pour les gouvernements. Cette approche ne mènera pas à la paix ouvrière, elle produira en fait le résultat inverse.

Une législation interdisant les travailleuses et les travailleurs de remplacement est requise en raison du recours et de la menace de recours à des briseurs de grève pendant les conflits, qui peuvent avoir les effets suivants :

  1. Miner le droit des travailleuses et des travailleurs à la négociation collective qui est protégé par la constitution.

  2. Porter atteinte à notre droit constitutionnel de grève.

  3. Prolonger les conflits du travail, en multipliant par six les délais en cas de recours à des briseurs de grève.

  4. Éliminer le moyen de pression économique dont disposent les travailleuses et les travailleurs pour négocier avec les employeurs.

  5. Accroître les conflits et la violence sur les lignes de piquetage.

  6. Compromettre la sécurité sur les lieux de travail.

  7. Déstabiliser les relations de travail normales qui deviennent ensuite malsaines et empoisonnées.

  8. Éliminer toute incitation pour les employeurs à négocier et à conclure des ententes pour des contrats de travail équitables à la table des négociations.

Voter pour le projet C-58 est le moindre que les élus puissent faire et je tiens à vous remercier encore une fois pour le plein appui donné à ce projet de loi en deuxième lecture. Il permet de moderniser le système canadien des relations du travail afin de refléter le contexte social et économique actuel de ce pays, où le pouvoir et la richesse accrus des entreprises requièrent un contrepoids efficace.

Des lois similaires sont en vigueur depuis plusieurs années au Québec et en Colombie‑Britannique, tandis que le Manitoba a pour sa part annoncé son intention de mettre en place une loi anti-briseurs de grève. 

Le projet de loi C-58 doit être adopté et mis en œuvre sans tarder.

Je vous remercie de m’avoir écoutée aujourd'hui et je répondrai volontiers aux questions du comité.