La stratégie de construction navale du Canada est une réussite qui ne devrait pas être abandonnée

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a crowd of workers from behind standing looking at a stage and screen
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(Cette lettre d’opinion a d’abord été publiée en ligne  et dans l’édition imprimée du Hill Times, le mercredi 21 août 2024)

De l’avis général et malgré les énormes défis qu’elle a dû relever, la Stratégie nationale de construction navale  (SNCN) devrait être considérée comme un succès retentissant et comme un modèle pour nos futures démarches en approvisionnement. 

Au milieu des années 2000, les coûts de construction navale avaient monté en flèche dans le monde entier, la majorité des compétences techniques nécessaires pour construire des navires au Canada avaient été épuisées et les installations des chantiers navals du pays, vieillissantes ou mises en sommeil, étaient mal préparées pour soutenir la production de la prochaine génération de flottes.

Depuis que le gouvernement Harper a lancé le programme, en 2010, la SNCN a redynamisé une industrie qui était en phase terminale de déclin et a presque à elle seule récupéré l’art perdu de la construction navale au Canada.  La SNCN soutient maintenant au pays plus de dix mille emplois de qualité, bien rémunérés et dont la plupart sont syndiqués, tout en réalisant d’innombrables retombées indirectes pour le reste de l’économie et générant des milliards de dollars en produit intérieur brut (PIB). 

C’est en Nouvelle-Écosse que cela est le plus apparent. Le chantier naval de la société Irving Shipbuilding, à Halifax, fait vivre plus de 1 100 membres du syndicat Unifor, qui sont représentés par la section locale 1 de la Fédération des travailleurs des chantiers navals. 

Ces dernières années, toutefois, la SNCN a fait l’objet de critiques cinglantes, une grande partie de l’attention négative étant dirigée sur les défis associés au programme des navires de combat de surface canadiens

Les détracteurs affirment principalement, sans preuve, que nous ne serions pas aux prises avec les coûts liés à l’inflation et les ajustements des délais de livraison du programme d’approvisionnement national le plus complexe que nous ayons jamais entrepris si nous avions opté pour l’acquisition de navires « standards » construits à l’étranger. 

Les travailleuses et travailleurs ont déjà entendu cet argument et, en tant que dirigeante syndicale, j’ai été témoin de pertes d’emplois et de catastrophes économiques causées par ce raisonnement creux et non prouvé. 

Les affirmations voulant que le Canada serait en meilleure position s’il importait ces navires sont ancrées dans une logique qui a dévasté notre base manufacturière, dans les années 1980 et 1990, et mené directement à la situation difficile que nous avons connue pendant la pandémie de COVID-19, lorsque notre dépendance à des chaînes d’approvisionnement mondiales fragiles a rapidement révélé ses limites. 

La logique derrière la délocalisation ne tient pas compte non plus des nombreux avantages intangibles découlant d’une capacité industrielle nationale dynamique et de bons emplois syndiqués. 

Selon le Conference Board du Canada, le chantier naval d’Halifax devrait générer à lui seul 3,7 milliards de dollars en recettes pour les trois ordres de gouvernement, entre 2013 et 2025. C’est de l’argent que nous ne reverrions jamais si nous achetions nos navires à l’étranger.

Nous ne verrions pas non plus le développement de nos collectivités et les progrès réalisés vers l’équité dont nous sommes témoins aujourd’hui. 

Le programme Pathways to Shipbuilding , qui est soutenu par Unifor, a permis d’éliminer les obstacles aux emplois en construction navale pour les groupes sous-représentés, tout en augmentant considérablement le nombre de travailleuses et travailleurs qualifiés dans les métiers spécialisés. Du coup, la section locale MWF 1 d’Unifor représente maintenant le plus grand nombre d’apprenties et d’apprentis des métiers spécialisés au Canada atlantique, à un moment où l’ensemble du pays fait face à une pénurie de gens de métier qualifiés.

Il y a d’autres raisons d’être sceptique par rapport à un argument qui repose sur un calcul économique purement à court terme, lorsque l’on évalue les avantages offerts par la SNCN. Tout d’abord, tous les alliés du Canada au sein du G7 ont leurs propres programmes de construction navale, comme c’est aussi le cas de petits pays maritimes comme les Pays-Bas et le Danemark, et ce, pour de bonnes raisons. Le maintien de la capacité de construire et d’entretenir nous-mêmes nos navires de guerre se justifie clairement sur le plan de la sécurité nationale, en plus de l’avantage logistique que représente la possibilité de construire des navires répondant à nos propres besoins en matière de défense. 

L’abandon de la SNCN entraînerait la perte de milliers d’emplois de qualité et la délocalisation de notre industrie de construction navale nous rendrait totalement dépendants de la capacité d’une puissance étrangère à livrer les navires dans les délais et les budgets impartis (comme ce fut le cas pour les F-35!). 

Il y a eu de nombreux cas d’échecs d’achats à l’étranger qui ont laissé le Canada avec des véhicules qui ne convenaient pas à notre environnement ni à nos cas d’utilisation, notamment les 139 wagons de la série Renaissance que le Canada a achetés en 2000 pour VIA Rail, auprès de la société britannique Metro-Cammell. Je travaillais à l’époque pour VIA Rail, et je peux vous dire que ces wagons étaient terriblement mal adaptés à notre climat. Ils ne remplissaient pas non plus les exigences de base en matière d’accessibilité, ce qui a nécessité d’importances modifications.

Alors, laissons de côté les calculs vite faits des détracteurs et choisissons plutôt d’investir dans les capacités de notre pays et d’acheter davantage de produits fabriqués au Canada, afin de créer de bons emplois, de produire de l’équipement adapté à nos besoins et de générer d’innombrables retombées pour nos collectivités et les générations à venir. 

Media Contact

Shelley Amyotte

Représentante aux communications - Région de l'Atlantique
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