Lettre de Lana Payne aux ministres Champagne, Ng et O’Regan sur l’examen aux six ans de l’ACEUM

Main Image
Image
Unifor red shield
Partager

L’honorable ministre François-Philippe Champagne, c.p., député
Ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie   

L’honorable Mary Ng, c.p., députée 
Ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique

L’honorable ministre O’Regan, c.p., député
Ministre du Travail et des Aînés

 

Ministres Champagne, Ng, O’Regan,

Objet : Bilan des six années d’existence de l’ACEUM

Comme des millions de Canadiens, des dizaines de milliers de membres d’Unifor travaillent dans des secteurs tributaires du commerce et sont profondément affectés par les décisions relatives à la politique commerciale. La politique commerciale du Canada fait partie intégrante de notre stratégie industrielle globale. Malheureusement, depuis la création de l’ALENA et jusqu’à récemment, le Canada a fait preuve d’un manque d’ambition dans son développement industriel. Cet oubli a donné lieu à une série d’accords de libre-échange malavisés qui ont largement ignoré et rejeté les voix et les préoccupations des travailleuses et travailleurs canadiens.

La renégociation de l’ALENA a marqué un tournant décisif. Le gouvernement fédéral mérite d’être félicité, non pas pour avoir sauvé un accord commercial qui a causé un préjudice considérable aux travailleuses et aux travailleurs, mais pour avoir défendu une vision économique audacieuse et progressiste pour le Canada, en donnant la priorité à la voix des travailleuses et des travailleurs dans sa stratégie de négociation. Cette approche s’est heurtée à une forte résistance, y compris de la part des négociateurs et des législateurs américains. Néanmoins, il était nécessaire d’aider à concilier les dommages que le commerce non réglementé et non contrôlé a causés aux travailleuses et travailleurs et de s’écarter de manière rafraîchissante des approches commerciales antérieures.

L’examen après six ans de l’ACEUM est l’occasion de faire le point sur les résultats de l’accord et de permettre à notre pays de plaider en faveur des changements nécessaires. Les responsables américains ont publiquement mis en garde contre toute complaisance dans le cadre de ce réexamen, indiquant qu’ils souhaitaient renégocier certains aspects de l’accord. Le Canada doit être prêt à se défendre contre les efforts des États-Unis qui cherchent à éroder nos industries essentielles soumises à la gestion de l’offre, nos protections vitales en matière de culture et de langues officielles, les règles du commerce numérique et toute une série d’autres politiques nationales importantes. Nous savons que le Bureau du représentant américain au commerce a entamé des consultations sur l’ACEUM, y compris sur le commerce automobile. Comme je l’ai déclaré récemment au Comité permanent du commerce international, le Canada ne peut se permettre d’entamer ces discussions sur la défensive.

Unifor est encouragé par le travail effectué par vos ministères, en collaboration avec les acteurs de la société civile, pour rappeler aux législateurs américains que nos économies industrielles sont devenues très interdépendantes. Dans le même temps, le Canada doit se préparer à exprimer ses propres préoccupations à l’égard de l’ACEUM et des améliorations à apporter à nos relations commerciales trinationales, et je souhaite mettre en évidence certains des principaux motifs de préoccupation d’Unifor.

Tout d’abord, le conflit du bois d’œuvre, qui en est à sa huitième année, continue d’infliger des difficultés économiques injustes aux travailleuses et aux travailleurs ainsi qu’aux entreprises du Canada. Ce secteur est déjà confronté à de graves difficultés, notamment des fermetures d’usines et des pertes d’emplois, et les sanctions commerciales imposées de longue date (et illégalement) par les États-Unis ne font qu’aggraver la situation. Il est primordial que ces droits de douane soient supprimés ou que le Canada envisage des mesures de rétorsion appropriées, qui n’ont que trop tardé.

Deuxièmement, dans le secteur de l’aluminium, il est nécessaire que les parties à l’ACEUM renforcent la surveillance des importations qui contournent et sapent nos efforts de décarbonisation. L’aluminium est un métal stratégique et devrait bénéficier d’exigences de transformation telles que celles appliquées à l’acier dans le cadre des règles d’origine de l’ACEUM applicables au secteur automobile.

Troisièmement, en ce qui concerne les droits des travailleuses et des travailleurs, le nouveau mécanisme de réaction rapide de l’ACEUM a permis de lutter efficacement contre les violations des droits des travailleuses et des travailleurs et de revitaliser les syndicats démocratiques au Mexique. Toutefois, ce mécanisme doit s’étendre aux lieux de travail aux États-Unis, où les droits des travailleuses et des travailleurs et les droits syndicaux sont systématiquement bafoués, ce qui, dans certains cas, n’est pas différent de ce qui se passe au Mexique. 

Par exemple, les rapports publics sur un récent vote syndical à l’usine d’assemblage Mercedes de Vance, en Alabama, ont été entachés de menaces et d’intimidations à l’encontre des travailleuses et des travailleurs, à l’instar des violations des droits constatées dans les usines automobiles mexicaines qui font l’objet d’un différend commercial. Le Canada a le droit d’enquêter sur le comportement de Mercedes, des législateurs américains et des associations industrielles en Alabama, qui fausse les échanges, en particulier compte tenu de notre accord visant à fournir à Mercedes des minerais essentiels tels que le lithium et le cobalt pour la construction de nouveaux véhicules électriques. De surcroît, le Canada devrait faire part de son intention de revisiter, dans le cadre de l’examen de l’ACEUM, une proposition antérieure qui considère les lois américaines sur le « droit au travail » comme une enfreinte au droit du travail dans le cadre du Chapitre sur le travail de l’ACEUM.

Dans le secteur automobile, le Canada a la possibilité d’aligner ses stratégies commerciales et industrielles. Les règles sur le contenu en main-d’œuvre dans le cadre des règles d'origine applicables au secteur automobile sont fixées à seize (16) dollars américains de l’heure en 2020 et doivent être actualisées pour tenir compte des pressions inflationnistes sur les salaires. Les mesures prises par les gouvernements et les autorités frontalières pour faire appliquer ces règles sur le contenu en main-d’œuvre, ainsi que l’identification des installations nord-américaines qui ne sont pas en conformité, doivent être rendues publiques. 

Il convient également de revoir la liste des pièces automobiles essentielles et de leurs sous-composants utilisés pour considérer que les véhicules sont originaires d’Amérique du Nord, afin de prendre en compte une gamme plus large de composants de VE et de batteries, y compris les moteurs électriques de traction et les groupes propulseurs, les matériaux transformés pour les batteries (par exemple, le matériau actif de la cathode), entre autres. 

Qui plus est, le Canada doit discuter avec les États-Unis de la possibilité d’augmenter ses tarifs OMC sur les véhicules légers par rapport au taux actuel de 2,5 %, qui s’avère insuffisant pour garantir la conformité avec les règles d’origine complexes de l’ACEUM.

Finalement, comme vous le savez, le Canada doit faire face à la menace des importations chinoises de véhicules électriques, qui sont souvent subventionnées par le travail forcé, les subventions excessives et le vol de technologie. Le Canada, les États-Unis et le Mexique doivent être prêts à collaborer pour se prémunir contre les importations déloyales en Amérique du Nord. 

Je vous remercie de prendre en compte ces préoccupations. Il nous tarde d’entamer un dialogue constructif visant à améliorer nos politiques commerciales dans l’intérêt de tous les Canadiens. Je serais heureuse de discuter plus longuement de ces questions avec vous dès que possible.

Veuillez recevoir, Madame et Messieurs les Ministres, l’assurance de mes meilleurs sentiments.
                        
Par Lana Payne 
Présidente nationale