Mémoire d’Unifor sur le projet de loi 74 au Comité de la politique sociale de l’Ontario sur les soins de santé

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QUI NOUS SOMMES

Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, comptant 315 000 membres dans toutes les régions économiques du pays. En Ontario, Unifor représente 160 000 membres actifs, dont plus de 25 000 travailleuses et travailleurs de la santé. Parmi l'ensemble des membres d'Unifor figurent les milliers de retraités d'Unifor qui sont actifs dans toute la province. Unifor intervient activement dans les lieux de travail et à la table de négociation, mais aussi dans tous les aspects de la vie communautaire et dans le débat politique, afin de rendre la société canadienne plus juste et équitable. Cela comprend la promotion d'un système de soins de santé efficace, universel, bien financé et administré par l'État, qui ne laisse derrière lui aucun Ontarien.

ATTEINTE À LA DÉMOCRATIE

Il est très préoccupant de constater que, depuis le début, des mesures législatives qui transformeront radicalement le système de soins de santé de la province ont été élaborées à huis clos avec une participation limitée du public. Les nouvelles de l'intention du gouvernement de restructurer en profondeur le système de soins de santé ont d'abord été révélées à la suite de fuites internes au gouvernement. Lorsque le projet de loi 74 a été officiellement déposé, des préoccupations ont déjà été soulevées quant aux intentions réelles du gouvernement.

Le gouvernement n'a donné aucune indication qu'il écoutera le point de vue des Ontariens sur le projet de loi 74. Le projet de loi n'a pas franchi l'étape de la troisième et dernière lecture, mais le gouvernement a déjà dissous les conseils d'administration des 20 organismes publics qui sont censés être intégrés à la nouvelle super agence, Santé Ontario. De plus, le gouvernement a déjà nommé le conseil d'administration de Santé Ontario sans aucune consultation ou participation du public.

Les deux jours d'audiences publiques (à Toronto seulement) devant le comité ne conviennent tout simplement pas à une mesure législative qui remodèlerait complètement les soins de santé dans la province. Pour couronner le tout, le public a eu à peine 24 heures pour s'inscrire aux audiences publiques après qu'elles ont été annoncées. Selon CBC/Radio-Canada, plus de 1 400 personnes ont demandé à présenter des observations orales au Comité, ce qui indique clairement que les Ontariens veulent que leur voix soit entendue. Ce gouvernement esquive nos processus démocratiques en mettant en œuvre une loi avant même qu'elle n'ait été adoptée par l'Assemblée législative et en faisant adopter le projet de loi à un rythme imprudent.

MOINS D’IMPUTABILITÉ ET PLUS DE POUVOIR CENTRALISÉ

Le projet de loi 74 crée la nouvelle super agence de la santé de l'Ontario, Santé Ontario, qui sera responsable de la gestion des services de soins de santé et de la restructuration généralisée du système à l'échelle de la province. Pourtant, Santé Ontario est composée d'un conseil d'administration non élu et nommé par le gouvernement qui ne sera pas assujetti aux mêmes mesures d’imputabilité que celles qui sont habituellement requises dans la fonction publique.

Le gouvernement a empêché le public d'avoir son mot à dire sur la composition du conseil d'administration, et a plutôt le pouvoir de le remplir de nominations politiques. De plus, les réunions du conseil ne seront pas ouvertes au public et celui-ci n'aura pas le droit d'accéder aux documents relatifs à la restructuration. Il semble que ce conseil d'administration non élu aurait un immense pouvoir sans être tenu responsable devant le public.

MENACES À LA QUALITÉ DES SOINS

Santé Ontario superviserait la transformation du système de soins de santé, ce qui comprend l'élimination de tous les réseaux locaux d'intégration des services de santé (RLISS). La création des nouveaux systèmes intégrés de prestation des soins (SIPS) en tant que principal fournisseur de services de soins de santé soulève un certain nombre de préoccupations. Le ministre de la Santé détermine ce qui constitue un SIPS et procède à cette désignation sans consultation publique. Avec cette loi, cette loi, le Ministre et Santé Ontario auront le pouvoir absolu d'intégrer les services et d'en retirer le contrôle local.

D'après la progression de cette législation, de nombreuses fusions, acquisitions et « intégrations » auraient pour conséquence que la concentration des services de soins de santé serait contrôlée par un petit nombre de grands conglomérats de soins de santé. Le manque de responsabilisation et de surveillance publique à l'égard de ces conglomérats soulève des questions. L'approche « plus c'est gros, mieux c’est » soulève de réelles préoccupations. Ce type de restructuration est très susceptible d'entraîner la perte de services locaux pour de nombreux Ontariens et Ontariennes.

OUVRIR LA PORTE À LA PRIVATISATION ET AUX SERVICES À BUT LUCRATIF

Le projet de loi 74 ne comprend pas d'engagement déclaré à l'égard de la prestation de services de santé par des organismes sans but lucratif, ni d'engagement à l'égard des principes de la Loi canadienne sur la santé, comme le principe des soins administrés par le secteur public. Cela a soulevé des questions au sujet des intentions du gouvernement et de son programme de privatisation.

« Mon optométriste m'a référé à une clinique pour mes cataractes l'an dernier. Vous ne pouvez pas imaginer ma surprise lorsque le médecin m'a dit qu'il y avait une liste d'attente de deux ans, mais si j'étais prêt à payer environ 2 000 $ par œil, je pourrais subir l'opération dans les 30 jours. En tant que Canadien et ancien chef syndical qui s'est battu pour défendre les soins de santé publics, je n'aurais pu être plus offensé. Passer devant les autres pour ceux qui en ont les moyens n'est tout simplement pas acceptable ici. La prestation publique des services est le seul moyen de s'assurer que les soins que nous recevons sont basés sur les besoins et non sur l'argent dont on dispose. »

Buzz Hargrove, ancien président des Travailleurs canadiens de l’automobile

Selon le projet de loi, les SIPS peuvent être désignés de manière à inclure une combinaison de services de soins de santé à but lucratif et sans but lucratif. Le Ministre aurait également le pouvoir d'ordonner certains types d'intégration, comme le transfert ou la coordination de services, qui pourraient donner lieu à une combinaison de services à but lucratif et sans but lucratif.

Dans les collectivités de l'Ontario, nous avons déjà ressenti l'impact de la privatisation progressive des services de soins de santé.  Par exemple, nous avons déjà vu en Ontario que la qualité des soins que les personnes âgées reçoivent dans les foyers de soins de longue durée à but lucratif est compromise par les modèles de soins axés sur le profit. La sous-traitance de services hospitaliers à de grandes entreprises a une incidence sur la qualité des services et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs sur ces sites. Entre-temps, les cliniques privées qui effectuent des tests diagnostiques privés et des chirurgies mineures (entre autres) sont connues pour gonfler les coûts gouvernementaux et augmenter le nombre de tests et de traitements inutiles dans leur quête de profit.

Les Ontariens et Ontariennes n'ont pas voté en faveur d'une privatisation plus poussée du système de soins de santé et comprennent que ce n'est pas la solution pour mettre fin à la « médecine de couloir ».”

MENACES POUR LE PERSONNEL DE PREMIÈRE LIGNE

À l'heure actuelle, les droits et les conventions collectives des travailleurs et travailleuses du secteur public sont protégés en cas de fusion ou d’amalgamation d'entreprises, comme le prévoit une loi comme la Loi sur les relations de travail liées à la transition dans le secteur public (LRTTSP). Le projet de loi 74 mentionne que l'employeur et l'agent négociateur pourraient s'entendre pour que les dispositions de la LRTTSP ne s'appliquent pas en cas d'intégration. Toutefois, le projet de loi soulève la question de savoir si la LRTTSP s'appliquerait dans les cas où les services de soins de santé sont intégrés à un SIPS, ce qui pourrait entraîner d'importants problèmes de relations de travail. Cela peut comprendre les cas où le ministre de la Santé ordonne une intégration qui donne lieu à une combinaison de services à but lucratif et à but non lucratif.

METTRE UN FREIN AU PROJET DE LOI 74

Le gouvernement doit suspendre le projet de loi 74 et consulter adéquatement les Ontariens et les Ontariennes au sujet des répercussions de ce vaste projet de loi. Les préoccupations importantes concernant la reddition de comptes et la surveillance de la super agence ne sont que le début des étapes en vue d'une réforme complète de la structure du système de soins de santé dans la province. L'impact de la fusion et de l'intégration des services sur les collectivités locales pourrait être dévastateur, d'autant plus qu'il n'y aurait aucune possibilité réelle pour ces collectivités de fournir des rétroactions face à ces changements. Le gouvernement doit aussi être franc au sujet de son programme de privatisation et s'engager à offrir des soins administrés par l'État et des services sans but lucratif dans le cadre de toute restructuration du système. Enfin, l'impact sur les travailleuses et travailleurs de la santé, qui seront pris au milieu de tout effort de restructuration, doit être pris en compte.