Présentation au Comité permanent du commerce international (CIIT)

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Jerry Dias, président national d’Unifor
Le 8 mars 2016

LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI

Bonjour monsieur le président et membres du Comité,

Je m’appelle Jerry Dias et je suis le président national d’Unifor, le plus grand syndicat du secteur privé au Canada. Angelo DiCaro du Service de recherche de notre syndicat m’accompagne.

Unifor représente plus de 310 000 travailleuses et travailleurs de partout au pays, dans chaque province et pratiquement toutes les industries.

Notre syndicat a suivi de près le projet d’accord du Partenariat transpacifique et les négociations qui ont eu lieu depuis 2012.

Notre syndicat – comme la plupart des Canadiennes et Canadiens – a observé ces négociations en tant que spectateur.

Je suis heureux que le gouvernement actuel ait promis une consultation publique sur cet accord.

Nous espérons que ces consultations seront sérieuses et qu’elles se dérouleront ailleurs que dans les coulisses et les salles de conseil, dans les centres communautaires locaux et lors de discussions publiques.

Nous sommes aussi heureux que le gouvernement ait promis de diffuser une évaluation de l’impact économique du Partenariat transpacifique.

J’exhorte le gouvernement à s’assurer que cette étude soit menée de façon indépendante en utilisant un modèle d'évaluation crédible.  Nous n’avons pas besoin d'études gouvernementales supplémentaires qui visent seulement à convaincre les Canadiens que tous les accords de ‘libre-échange’ sont de bons accords.  

Comme l’AECG entre le Canada et l’UE, nous n’avons pas besoin d’une évaluation économique fondée sur des hypothèses fantaisistes comme :

  • Personne ne peut se retrouver au chômage
  • Les entreprises ne vont pas transférer leurs investissements en capital à l’étranger
  • Les flux commerciaux ne sont pas touchés par les fluctuations du taux de change

Les Canadiennes et Canadiens doivent connaître les faits à propos de cet accord commercial. Et les Canadiennes et Canadiens doivent décider par eux-mêmes si le PTP répond vraiment à leurs meilleurs intérêts.

Nous sommes particulièrement inquiets que le Partenariat transpacifique porte atteinte aux investissements dans nos industries à valeur ajoutée les plus stratégiques.

J’espère que ce comité comprend que le déficit commercial manufacturier du Canada a atteint 122 milliards de dollars. C’est un record dont personne ne devrait être fier. Ce déficit n’a fait qu’augmenter chaque année depuis 2004.

Alors que des pays développés comme les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et d’autres investissent activement dans leurs industries de production, le Canada traîne derrière.

Diminuer les droits n'est pas une mesure de stratégie industrielle. En fait, cela ne fera qu’aggraver la situation.

Le secteur de l’automobile est un bon exemple.

Le déficit commercial du secteur de l’automobile au Canada a atteint 19 milliards de dollars.

C’est une baisse assez importante par rapport à l’excédent de 14 milliards de dollars que nous avons déjà connu, et il n’y a pas si longtemps.  

Bien qu’il faille diversifier nos exportations d’automobiles ailleurs qu’aux États-Unis, les exportations actuelles d'automobiles canadiennes ne sont pas désirées dans des pays comme le Japon, la Malaisie, le Vietnam, le Brunei, et même la Corée. C’est la réalité. Les exportations d’automobiles vers ces pays n'existent carrément pas.

Alors, à quoi le libre-échange a-t-il servi?

L'accord entre le Canada et la Corée existe maintenant depuis un an. Et la Corée est une économie structurée comme le Japon.

Pendant cette première année, comme nous l’avions prévu, les exportations manufacturières du Canada ont chuté de 3,9 %. Et les importations ont grimpé de 9 %. Notre déficit commercial manufacturier avec la Corée a augmenté à 4 milliards de dollars. Ce n’est pas tout à fait ce qui avait été annoncé aux Canadiennes et Canadiens.

Le gouvernement laisse entendre essentiellement au sujet du Partenariat transpacifique que le Canada aura un nouvel accès au marché japonais, notamment pour les automobiles.

Le Japon n’a aucun droit d’importation à payer sur les automobiles. Le problème avec le Japon ne porte pas sur les droits. Il y a des problèmes structurels plus profonds en jeu, et malheureusement ils n’ont pas été abordés dans l’accord.  

En dépit de cela, le Canada a quand même convenu d’accélérer l'élimination progressive de ses droits de 6,1 % sur les automobiles avec le Japon, soit à une vitesse cinq fois plus rapide que ce à quoi les États-Unis se sont engagés.  

Et nous avons accepté les seuils les plus faibles relatifs aux règles d'origine que nous n'avons jamais négociées, des règles convenues dans une entente particulière entre les États-Unis et le Japon où nous n'avons eu aucun mot à dire.

J’espère que le comité comprend que nous sommes inquiets que des milliers d'emplois du secteur de l'automobile sont à risque avec le Partenariat transpacifique. Sans une stratégie fédérale pour le secteur de l’automobile, il sera difficile de solliciter d’autres investissements.

Je tiens à souligner aussi que les préoccupations des membres d’Unifor sur le Partenariat transpacifique dépassent le secteur de l’automobile.

Par exemple, les travailleuses et travailleurs du secteur des télécommunications s’inquiètent que le Partenariat transpacifique établissent de nouvelles règles sur la propriété étrangère. Les travailleuses et travailleurs de la foresterie souhaitent savoir si les règlements sur l’exportation des grumes seront protégés. Les travailleuses et travailleurs du secteur des soins de santé sont furieux que les coûts des médicaments vont grimper en flèche. Les travailleuses et travailleurs des médias se demandent si nous avons abandonné notre droit de réglementer les services télévisuels en ligne. Les travailleuses et travailleurs du secteur de la transformation alimentaire craignent que les installations ferment en raison d’une hausse des importations des produits laitiers. Et la liste ne cesse de s’allonger.

Il semble y avoir beaucoup plus de questions au sujet de cet accord commercial que de réponses.

La ministre Freeland a indiqué que le Parlement va soit accepter le Partenariat transpacifique tel quel ou le rejeter. Il n’y a pas de retour en arrière possible.  

Dire aux Canadiennes et Canadiens que « c'est à prendre ou à laisser » est une proposition difficile.  La vérité, c'est que les Canadiennes et Canadiens ont été mal informés sur cet accord. C’est, en partie, parce qu'il a été tenu secret pendant longtemps.

Il est essentiel qu’une véritable consultation publique soit menée à partir de recherches crédibles et indépendantes. Mais, si des modifications importantes ne peuvent être apportées au PTP à ce stade-ci, alors notre syndicat ne peut appuyer cet accord.  

Merci de votre invitation et de l’occasion offerte de vous parler aujourd’hui. Nous serions heureux de répondre à vos questions.