Mémoire d’Unifor à l’attention d’Emploi et Développement social Canada
Unifor est heureux d’avoir l’occasion de fournir ses commentaires en réponse au document de discussion et aux questions distribués par Emploi et Développement social Canada.
Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, représentant 315 000 travailleuses et travailleurs dans tous les grands secteurs de l’économie. Le syndicat milite pour tous les travailleurs et travailleuses et leurs droits. Il lutte pour l’égalité et la justice sociale au Canada et à l’étranger, et aspire à provoquer des changements progressistes pour un Canada meilleur.
Unifor est également le plus grand syndicat du Canada dans le secteur privé sous réglementation fédérale, représentant plus de 66 000 travailleuses et travailleurs dans des secteurs sous réglementation fédérale, notamment les transports, les médias, les télécommunications et les services financiers.
Nos suggestions pour améliorer le processus de maintien de certaines activités en vertu du Code canadien du travail sont énoncées ci-dessous.
Cadre juridique
Toute limitation du droit de grève doit demeurer une exception au régime fédéral des relations de travail. Les « services essentiels » visés par l’article 87.4 du Code canadien du travail (« Code ») sont volontairement définis de façon étroite, étant donné que l’imposition de toute restriction au droit de grève nuit à la capacité des syndicats de négocier efficacement et constitue une violation des droits protégés par la Charte. Il ressort clairement du libellé du Code et de la jurisprudence du Conseil canadien des relations industrielles que les « risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public » ne s’étendent pas à d’autres aspects de l’intérêt public, comme la protection du public contre les difficultés personnelles, les inconvénients ou les conséquences économiques résultant d’une grève ou d’un lock-out.
L’engagement du Parlement à l’égard de la pratique de la libre négociation collective est énoncé dans le préambule du Code. De plus, la Cour suprême du Canada a confirmé à plusieurs reprises que le droit de grève est une composante indispensable d’un processus de négociation collective significatif.
Par conséquent, un équilibre subtil doit être trouvé entre l’objectif de protéger le public contre des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé et la protection du droit de grève.
L’application devrait se limiter aux secteurs clés
Reconnaissant que la restriction du droit de grève devrait se limiter à des circonstances exceptionnelles, nous proposons que l’accès à ces dispositions soit uniquement possible dans les secteurs où des risques imminents pour la santé et la sécurité du public pourraient être posés.
L’expérience d’Unifor avec l’article 87.4 se limite quasi exclusivement aux secteurs des télécommunications et de l’aviation. Nous suggérons que pour les secteurs sous réglementation fédérale, où la santé et la sécurité du public ne sont manifestement pas en jeu, un critère de seuil soit appliqué pour l’accès aux dispositions relatives au maintien de certaines activités.
Les délais prévus par l’article 87.4 devraient faire l’objet d’une application stricte
Un problème inhérent au processus actuel est qu’une partie qui a l’intention de soulever une question de maintien de certaines activités n’est pas tenue de prendre d’autres mesures avant 15 jours après le dépôt d’une notification de différend. La partie qui prétend que des activités essentielles doivent être maintenues peut attendre, dans certains cas des mois, avant de soumettre une demande au Conseil. Cela signifie qu’il n’y a pas de mécanisme pour encourager les parties représentant le milieu de travail à agir de manière proactive pour résoudre les problèmes liés au maintien de certaines activités avant que le processus de négociation ne soit bien avancé.
Notification de question concernant le maintien de certaines activités
Le régime actuel exige que la partie qui estime qu’un maintien de certaines activités est nécessaire soulève la question dans les 15 jours suivant l’émission de la notification de négociation. Cette partie doit adresser une notification à l’autre partie, incluant : 1) les détails de la prestation de services, du fonctionnement d’installations ou de la production d’articles qui, à son avis, doivent être maintenus en cas de grève ou de lock-out; et 2) le nombre approximatif d’employé(e)s de l’unité de négociation requise. Nous suggérons que ce délai soit obligatoire et que le Conseil n’autorise aucune prolongation, sauf sur demande mutuelle des parties.
Demande adressée au Conseil
Le régime actuel exige qu’une partie présente une demande d’arbitrage au Conseil, lorsqu’un avis a été fourni en vertu de l’article 87.4(2) et qu’il n’y a pas d’entente, dans les 15 jours suivant la notification de différend en vertu de l’article 71(1) (demande de conciliation). Ce délai devrait également être obligatoire et le Conseil ne devrait autoriser aucune prolongation, sauf sur demande mutuelle des parties..
Délai pour que la Commission rende une décision en vertu de l’article 87.4(4)
Nous proposons qu’un délai soit imposé au Conseil pour rendre une décision après le dépôt d’une demande en vertu de l’article 87.4(4). Nous suggérons qu’une décision du Conseil doive être rendue dans les 60 jours suivant la demande d’une partie ou le renvoi par le ministre du Travail.
Traitement par le Conseil – suggestion de politique
Le processus actuel est de nature à générer des retards au Conseil et s’expose à des tactiques délibérées de blocage de la part des employeuses et employeurs. De quoi entraver la progression de la négociation collective et saper le pouvoir de négociation du syndicat. Cette situation est particulièrement problématique dans le contexte de premières conventions. Les retards ou la lenteur des négociations érodent le soutien syndical dans les unités de négociation nouvellement constituées. Les employeuses et employeurs peuvent être motivés afin de faire obstacle à la nouvelle représentation syndicale. Le régime actuel permet aux employeuses et employeurs de soulever des questions relatives à l’article 87.4 comme moyen de retarder la négociation de bonne foi.
Nous suggérons que le Conseil adopte des politiques visant à encourager les parties à soulever et à tenter de résoudre les questions relatives au maintien de certaines activités à un stade précoce de la négociation, et à accélérer l’audition et l’arbitrage des différends par le Conseil, le cas échéant.
L’article 87.4(4) stipule que, sur demande de l’une ou l’autre partie (ou sur renvoi du ministre du Travail), le Conseil doit trancher les questions suivantes :si et dans quelle mesure la prestation de services, le fonctionnement d’installations ou la production d’articles doit être maintenu en cas de grève ou de lock-out pour prévenir des risques imminents et grave pour la sécurité ou la santé du public; et
- le nombre d’employé(e)s de l’unité de négociation qui serait requis à cette fin.
À notre avis, les demandes devraient être entendues de façon accélérée. Pour faciliter cela, le Conseil devrait avoir des pouvoirs étendus pour « gérer les cas » de demandes de services essentiels.
Nous suggérons que les mesures suivantes soient mises en œuvre afin d’accélérer le règlement par le Conseil des différends relatifs à l’article 87.4 :
- Les demandes devraient être traitées dans les plus brefs délais, quels que soient les horaires de l’avocat.
- Les parties devraient déposer de brefs mémoires écrits : décrivant la ou les questions en litige, exposant leurs points de vue respectifs et proposant une solution appropriée
- Un exposé convenu des faits devrait être utilisé dans la mesure du possible
- La présomption dominante devrait être que le Conseil tranche les questions sur la base de mémoires écrits.
- Si le Conseil décide qu’une audience orale est nécessaire, elle doit être menée par le biais de soumissions orales pour compléter les mémoires écrits des parties.
- Les preuves de vive voix ne doivent être utilisées que lorsqu’il est essentiel de le faire
- Des processus informels et flexibles devraient être utilisés, par exemple la médiation/arbitrage
- Le Conseil devrait, dans la mesure du possible, fournir une réponse rapide accompagnée d’un bref exposé des motifs.
Nous sommes convaincus que le Conseil canadien des relations industrielles, en tant que tribunal expert en matière de relations de travail, devrait conserver la compétence de trancher les différends relatifs au maintien de certaines activités. Toutefois, nous accueillerions favorablement la création d’un organe dédié au sein du Conseil, doté de ressources supplémentaires et d’un personnel compétent et expérimenté, afin d’assurer la médiation et l’arbitrage rapide des différends relatifs au maintien de certaines activités.
Vérification par un tiers inutile
Les parties peuvent convenir de traiter les activités de maintien de certaines activités d’une manière satisfaisante pour les deux parties, mais qui ne serait pas approuvée par une examinatrice ou un examinateur externe. Un processus de vérification limiterait la capacité des employeuses et employeurs et des syndicats d’aborder les circonstances de leurs milieux de travail uniques d’une manière flexible qui leur permette de faire avancer leurs négociations collectives.
L’intérêt public est adéquatement pris en compte par l’article 87.4(7) qui permet à toute partie ou au ministre de demander au Conseil de modifier une entente pendant une grève légale. Dans la plupart des négociations dans le secteur fédéral, il n’y a pas de questions de maintien de certaines activités parce que ni l’une ni l’autre des parties n’affirme l’existence d’un problème de maintien de certaines activités dans les 15 jours suivant la notification de négociation. L’ajout d’une obligation de conclure et de faire vérifier une entente de maintien de certaines activités, même dans ces cas, est inutile lorsqu’il s’agit de protéger la santé et la sécurité publiques et pourrait compromettre l’exercice en temps voulu du droit de grève.