Mémoire d’Unifor sur le projet de loi C-50 : Loi canadienne sur les emplois durables

Mémoire sur le projet de loi C-50

Au nom des 320 000 membres d’Unifor œuvrant dans tous les secteurs de l’économie, je tiens à féliciter le gouvernement d’être allé de l’avant avec l’adoption de la Loi canadienne sur les emplois durables et d’avoir collaboré avec le mouvement ouvrier afin de mettre en place des amendements clés. Les membres d’Unifor demandaient depuis un certain temps au gouvernement d’adopter une loi importante reconnaissant le rôle essentiel du dialogue social et des syndicats pour aider à concrétiser les changements qui s’imposent afin de paver la voie vers l’objectif « zéro émission nette ». 

Alors que le Comité sénatorial permanent sur les affaires sociales, les sciences et la technologie examine le libellé actuel du projet de loi, nous exhortons le Sénat à tenir compte des arguments soulevés par Unifor par le passé en ce qui concerne l’importance d’associer la transition aux impératifs de préservation des emplois et de clarifier l’approche de l’ensemble de l’appareil gouvernemental qui sera essentiel au succès du projet de loi C-50. Ces changements permettront de faire en sorte que la loi ait l’effet recherché pour favoriser les emplois durables, tout en protégeant le bien-être des travailleuses et travailleurs partout au pays dans une économie en transition. 

Mesures de soutien à la décarbonisation et aux emplois existants

Unifor a constamment souligné le fait que toute vision ayant comme objectif l’atteinte d’un avenir à « zéro émission nette » ne peut être uniquement fondée sur la création d’emplois et doit inclure simultanément une stratégie de préservation des emplois. Le chemin que nous traçons vers l’avenir à « zéro émission nette » doit être marqué par des mesures qui visent à préserver les emplois actuels dans les secteurs à fortes émissions en les transformant en emplois durables. Plutôt que de devoir dire à des travailleuses et travailleurs en début ou en milieu de carrière que leur seule perspective est de se préparer pour un avenir incertain dans des secteurs encore en développement, le gouvernement doit aider les employeurs actuels à réinventer leurs emplois et à réorganiser leurs activités commerciales pour une économie décarbonisée.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la transition ne peut pas et ne doit pas servir d’excuse aux employeurs pour justifier des transferts de contrats faisant passer leurs effectifs d’emplois syndiqués bien rémunérés à des emplois précaires non syndiqués et peu rémunérés. Plusieurs membres d’Unifor en premières lignes sont déjà témoins de stratagèmes de ce genre alors que les employeurs investissent dans de nouvelles installations à faibles émissions de carbone qu’ils considèrent comme étant hors du champ d’application des conventions collectives. Les travailleuses et travailleurs considéreront, à juste titre, avec scepticisme des formules comme transition juste ou emploi durable si cet avenir « à zéro émission nette » ne leur réserve que le chômage, l’incertitude économique et la précarité. 

Nous nous réjouissons de constater que le libellé actuel du projet de loi C-50 prend au sérieux nos recommandations portant sur la définition d’un emploi durable comme étant un emploi qui comprend la représentation syndicale et une convention collective, ainsi qu’une rémunération équitable, la sécurité d’emploi, des mesures de protection sociale et le dialogue social. Nous accueillons aussi favorablement l’inclusion du principe additionnel qui accorde la priorité au bien-être des travailleuses et travailleurs ainsi qu’aux mesures de soutien à la décarbonisation des industries existantes. 

Toutefois, une industrie ne devrait pouvoir obtenir le soutien à la décarbonisation que si celle-ci s’engage à réduire au minimum les pertes d’emploi, en créant des programmes d’adaptation des compétences et en préservant les emplois existants, dans la mesure du possible. Sans cette exigence, il y a de grands risques pour que les employeurs se servent des mesures de soutien gouvernemental pour se débarrasser de la main-d’œuvre syndiquée sous prétexte de chercher à atteindre les cibles d’émissions. 

Unifor continue donc de demander au gouvernement d’ajouter la préservation des emplois à la liste modifiée des principes d’emploi durable, en soulignant le fait que notre vision pour la transition économique ne doit pas se limiter délaisser les emplois actuels, mais aussi inclure la transformation des postes et des activités commerciales actuelles.

Dialogue social

Nous avons aussi régulièrement mis en évidence le besoin pour le gouvernement d’adopter le dialogue social en tant que principal mécanisme pour obtenir le point de vue des parties prenantes dans le processus d’établissement des politiques. Comme vous le savez, dans plusieurs pays du monde, aucune législation visant l’économie ou le marché du travail n’est adoptée sans avoir au préalable obtenu le point de vue et l’approbation des partenaires sociaux, par exemple les associations syndicales et du patronat. 

Ailleurs qu’au Québec, le Canada a eu très peu recours à la pratique du dialogue social et du partenariat social. Il s’agit toutefois d’une composante indispensable pour faire en sorte que les points de vue des travailleuses et travailleurs sur les pratiques exemplaires et celles à éviter soient intégrés dans les orientations politiques concrètes. 

Encore une fois, je salue la décision du gouvernement d’intégrer le principe de dialogue social dans le projet de loi C-50 et je l’encourage à faire en sorte que cet aspect devienne la base du fonctionnement du gouvernement pour toute initiative législative future ayant de vastes répercussions sur les travailleuses et travailleurs, ainsi que sur l’ensemble du marché du travail. Unifor accueille aussi favorablement le changement précisant que le groupe représentant les travailleuses et travailleurs au sein du Conseil des partenariats sur les emplois durables devra être composé exclusivement de représentantes et représentants syndicaux, comme le veut la pratique courante au sein des organismes de dialogue social et de partenariat social à l’échelle mondiale. Il s’agissait également de l’une de nos recommandations clés.

Préoccupations persistantes

Même si la Loi canadienne sur les emplois durables place le pays en position favorable pour entamer un processus dirigé par les travailleuses et travailleurs visant à mettre en place du soutien et des mesures ciblés alors que l’économie est en transformation, les principes prévus dans le projet de loi C-50 et les groupes comme le Conseil des partenariats ne peuvent remplacer un financement concret. Sur ce plan, nous savons que les engagements actuels du gouvernement fédéral ne sont absolument pas à la haute du type de financement qui sera nécessaire pour faire en sorte que les travailleuses et travailleurs, ainsi que les industries puissent s’épanouir dans une industrie décarbonisée.

De façon similaire, le dialogue social, à lui seul, ne suffit pas à produire le genre de stratégie industrielle qui est requise pour bâtir une vision cohérente de la façon de faire progresser harmonieusement notre économie hautement intégrée, notamment les secteurs de l’énergie, des forêts, des mines, de la fabrication et du transport, dans un processus de transformation appuyant la réalisation d’un avenir à « zéro émission nette ». Avec le soutien du Conseil des partenariats, le gouvernement doit immédiatement lancer une table sectorielle stratégique fondée sur les principes de dialogue social afin d’élaborer un ensemble de politiques sectorielles interdépendantes pouvant être adaptées en fonction des forces et faiblesses de chaque région.

Enfin, Unifor demeure préoccupé qu’aucune approche visant l’ensemble de l’appareil gouvernemental, qui était pourtant l’un des aspects clés ciblés par le mouvement ouvrier et le NPD pour le succès du projet de loi, n’a encore été adoptée dans les plus récents amendements. Le syndicat s’interroge également sur le fait que les rôles d’Emploi et Développement social (ESDC) Canada et du ministère de l’Emploi et du développement de la main-d’œuvre n’ont toujours pas été clarifiés. Pour que le Secrétariat fonctionne, l’objectif consistant à créer des emplois durables doit être considéré comme étant une directive globale qui encadre le travail dans l’ensemble de l’appareil gouvernemental et ESDC doit se voir confier les responsabilités clés associées à l’atteinte de cibles d’emploi et de formation précises.

L’adoption de la Loi canadienne sur les emplois durables constituera une victoire historique pour les travailleuses et travailleurs de l’ensemble du pays. Unifor s’engage à contribuer au succès de cette loi et nous sommes pleinement disposés à fournir du soutien de quelque manière que ce soit, y compris en tant que membres constructifs du Conseil des partenariats.