Mémoire sur l'imposition d'une surtaxe par le gouvernement du Canada sur l'acier et l'aluminium de Chine

Division de la politique commerciale internationale (surtaxes sur l’acier et l’aluminium)

Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, représentant 320 000 travailleuses et travailleurs dans tous les grands secteurs de l’économie, notamment dans la fabrication de produits en acier ainsi que dans la fonte et le moulage de l’aluminium.

Le 26 août 2024, Unifor a fait bon accueil à la décision du gouvernement fédéral

d’imposer des surtaxes sur les véhicules électriques importés de Chine, ainsi que sur certains produits en acier et en aluminium, en appliquant les pouvoirs conférés par l’article 53 de la loi Tarif des douanes. Ce recours commercial est nécessaire, et il offre un répit à court terme aux travailleuses et travailleurs au Canada, qui sont désavantagés par les déséquilibres structurels dans les échanges commerciaux avec la Chine, entre

autres, le refus de l’État de reconnaître les droits fondamentaux dans le domaine du travail et les droits de la personne et des normes environnementales minimales. Un recours commercial qui accorde également des protections aux travailleuses et travailleurs canadiens contre la menace d’une hausse des importations à court terme, alors que les usines sont réoutillées pour produire de nouveaux véhicules électriques (VE). Pour les travailleuses et travailleurs du secteur de l’automobile, ce sont là des

mesures commerciales protectrices et préventives conçues pour conserver leurs emplois et leur sécurité économique tout en gérant une transition historique vers le

développement d’une nouvelle chaîne d’approvisionnement canadienne des véhicules électriques.

La Chine représente une menace grandissante pour l’industrie automobile mondiale, qui repose sur des syndicats puissants, des emplois bien rémunérés et des conventions collectives négociées et bien développées. L’impact de la Chine se fait déjà sentir dans les industries de l’acier et de l’aluminium. Le gouvernement fait observer à juste titre, dans son document de travail, que la surcapacité de la Chine dans le secteur des métaux de première fusion a eu un effet profond sur les prix du marché mondial, la viabilité des entreprises et la sécurité d’emploi de la main-d’œuvre. Le Canada tente principalement

de contrer ces pratiques déloyales en imposant des droits compensateurs et antidumping sur les producteurs chinois, qui sont les contrevenants les plus fréquents pour toute une gamme de produits. Ces dernières années, le Canada a également adopté des mesures de protection d’une durée limitée dans le but de se prémunir contre des hausses subites de certains produits en acier, en limitant les exportations en provenance de tous les pays, dont la Chine.

La Chine reste une puissance économique redoutable, car elle met en œuvre une stratégie intentionnelle, non conforme aux règles de l’Organisation mondiale du

commerce, qui consiste à développer de manière excessive ses industries afin de saturer les marchés mondiaux et de fausser les prix. Les prouesses de la Chine en matière

d’exportation créent une instabilité industrielle et menacent les emplois. Les entreprises chinoises bénéficient non seulement de subventions publiques excessives dans les

secteurs de l’acier et de l’aluminium, mais aussi du refus de reconnaître les droits des travailleurs en matière de négociation collective et de liberté d’association. Pire encore, la Chine est complice du travail forcé des communautés musulmanes ouïghoure et turques dans le Xinjiang, connu pour être le plus grand producteur régional d’aluminium au monde. Il n’y a pour ainsi dire aucune usine de production d’acier ou d’aluminium représentée par Unifor au Canada qui ne soit pas mise à mal par les pratiques commerciales chinoises.

Les États-Unis ont pris des mesures énergiques pour protéger leur industrie nationale contre ces pratiques déloyales, en invoquant divers recours commerciaux, notamment des droits compensateurs ainsi que des droits de douane spéciaux imposés en vertu de l’article 232 de leur Trade Expansion Act (loi sur l’expansion du commerce) et en envisageant des droits de douane plus stricts en vertu de l’article 301 de leur Trade Act (loi sur le commerce). Le résultat de ces droits de douane américains élevés continue de menacer les emplois canadiens, car les importateurs essaient de détourner les expéditions de métaux chinois vers le Canada. Les représentants du gouvernement

fédéral se sont engagés à empêcher le Canada de devenir une « porte dérobée » pour les métaux chinois1, d’où cette décision nécessaire et appropriée d’imposer des surtaxes en vertu de l’article 53 sur une liste de produits en acier et en aluminium.

Unifor encourage le gouvernement fédéral à prendre en compte les recommandations suivantes lorsqu’il finalisera sa liste de produits d’acier et d’aluminium assujettis aux surtaxes de l’article 53, ainsi que des mesures supplémentaires pour défendre les travailleuses et travailleurs canadiens contre les pratiques commerciales déloyales.

  1. Assurer l’harmonisation avec les États-Unis.

    • Pour atténuer le risque de transbordement de produits d’acier et d’aluminium, le gouvernement fédéral doit harmoniser sa liste de numéros tarifaires avec celle des États-Unis. Le Canada devrait imposer des surtaxes en vertu de l’article 53 à la fin de la consultation menée par le Bureau du représentant des États-Unis pour le commerce extérieur (USTR) et après la mise en œuvre du recours prévu à l’article 301.
  2. En établissant les niveaux de surtaxe sur les produits ciblés, le gouvernement devrait tenir compte de tous les taux tarifaires imposés par les États-Unis sur les produits chinois.
  • Comme nous l’avons mentionné plus haut, les États-Unis envisagent de multiples lignes tarifaires sur les marchandises chinoises, en plus des droits de douane déjà en place en vertu de l’article 232, qui s’élèvent à 25 % sur les importations d’acier et à 10 % sur les importations d’aluminium. Cela ne comprend pas les droits antidumping ou les droits compensateurs déjà en place, qui augmenteraient davantage les droits de douane sur certaines marchandises. Au moment de fixer le taux final, les fonctionnaires canadiens doivent tenir compte des disparités tarifaires qui pourraient désavantager le Canada et accroître le risque de transbordement.
  1. Envisager la possibilité d’imposer des mesures et des recours supplémentaires sur les produits d’aluminium chinois en provenance de la région autonome ouïghoure du Xinjian.

    • Le mémoire précédent d’Unifor présenté au ministère des Finances, intitulé Pour une industrie automobile canadienne dynamique et durable2, décrit diverses accusations portées contre la Chine pour avoir permis le recours au travail forcé dans la région autonome ouïghoure du Xinjian, particulièrement pour la

production d’aluminium. La prévalence du travail forcé entache la chaîne

d’approvisionnement mondiale de l’aluminium et de ses composants en aval.

  • Dans le cas des marchandises produites par le travail forcé, le recours prévu à l’article 53 de la loi Tarif des douanes est tout à fait inapproprié. En fait, en vertu de la loi Tarif des douanes, le Canada a le pouvoir d’interdire l’entrée de marchandises produites en tout ou en partie au moyen du travail forcé.

Malheureusement, ces pouvoirs n’ont pas encore été invoqués par le

gouvernement canadien, malgré d’autres interdictions déjà mises en place par les États-Unis.

 

  • Unifor continue de demander aux fonctionnaires fédéraux de donner des

directives à l’Agence des services frontaliers du Canada et à Emploi et Développement social Canada au sujet de la preuve requise pour appliquer des interdictions sur les marchandises en vertu de la loi Tarif des douanes. Il faudrait notamment permettre à l’ASFC de confronter les marchandises soupçonnées

d’avoir été produites par du travail forcé en délivrant des ordonnances empêchant

la mainlevée de ces marchandises et en obligeant les importateurs ou les fournisseurs à prouver qu’ils respectent les lois canadiennes avant que les marchandises en question ne soient admises au Canada.

  1. Élargir la liste tarifaire de l’annexe 1 pour y inclure les blocs anodiques de

carbone (SH 3801.90.00)

  • Les anodes de carbone sont peut-être le composant le plus important du procédé de production de l’aluminium. Moulées en blocs massifs, les anodes permettent de produire des anodes précuites et servent de conducteur d’électricité, ce qui est au cœur du procédé de réduction. Dans diverses fonderies au Canada, des blocs anodiques de carbone sont produits sur place par des travailleuses et travailleurs canadiens. De nouvelles technologies, impliquant le coulage d’anodes en céramique inerte, sont en cours de développement et pourraient à la fois réduire considérablement les émissions carboniques et créer de futures possibilités

d’emploi pour les travailleuses et travailleurs. Cependant, d’ici là, les anodes de carbone demeurent un composant essentiel de la production d’aluminium.

  • Au fil du temps, les producteurs d’aluminium sont devenus dépendants des blocs anodiques importés de Chine pour répondre à la demande. Comme les coûts des nouvelles technologies de réduction des émissions carboniques sont assumés par les producteurs canadiens, les travailleuses et travailleurs risquent de perdre leur travail de coulage d’anodes de carbone au profit des importateurs de produits chinois vendus à moindre coût. La perte potentielle de blocs anodiques de carbone représente également de futurs défis pour les travailleuses et travailleurs dans la transition éventuelle vers une nouvelle technologie d’anode inerte, car les compétences sont transférées en dehors des installations canadiennes, de nouvelles ententes sont conclues avec les fournisseurs et les anodes inertes sont remplacées beaucoup moins souvent que les anodes en carbone. Il est essentiel de protéger les emplois canadiens lors de la transition vers une production

d’aluminium plus propre. En décourageant les producteurs d’aluminium de dépendre de plus en plus des anodes de carbone produites à l’étranger, on peut préserver les emplois et mettre les travailleuses et travailleurs de l’aluminium en position plus favorable en vue de l’avenir.

  1. Mettre rapidement en œuvre les exigences relatives à la production et au coulage pour les importateurs d’aluminium, afin d’améliorer le contrôle du commerce de l’aluminium.

    • Une fois les consultations fédérales terminées, le ministère des Finances du Canada doit agir rapidement pour mettre en œuvre les dispositions proposées en vue de contrôler les importations d’aluminium qui seront en harmonie avec les récents progrès réalisés dans l’industrie de l’acier (collecte de renseignements sur les pays qui « fondent et coulent » les produits en acier entrant au Canada) afin

d’inclure la publication de renseignements récents sur le pays qui produit et coule 

des produits en aluminium.

Conclusion

Unifor se félicite de la consultation du gouvernement du Canada sur cette question et attend avec impatience que des mesures soient prises pour donner suite aux recommandations décrites ci-dessus. Le syndicat est résolu à fournir au ministère des Finances du Canada, sur demande, d’autres renseignements et précisions.

https://www.theglobeandmail.com/politics/article-canada-will-not-become-back-door-for-diverted- chinese-steel-and/

2https://www.unifor.org/sites/default/files/documents/UniforSubmission-EVconsult-August12024-FR-v2.pdf